Voyage en bateau
Hier, ayant fait mes dernières courses et mes abondants bagages, j’arrive à 15 heures sur le quai pour m’embarquer sur le Taporo. C’était le Taporo V qui était là, un petit cargo de mille deux cents tonneaux qui dessert habituellement les Marquises, et remplace le Taporo IV qui est en carénage. Tout le quai est absolument couvert de caisses, de corbeilles, de palettes, de fûts, de containers et de matériaux divers, et je me demande si vraiment tout ça va rentrer dans les cales de ce petit cargo, et aussi combien de temps ça va prendre avec les deux palans du bateau. Je m’annonce au capitaine et lui présente le billet de la voiture, qu’il me fait garer tout au bout du quai, après les dernières marchandises, et m’annonce que nous aurons du retard. En effet, au lieu de 17 heures, nous sommes partis à 21 heures. Le Temehani, lui, est parti à 17 heures, gorgé de passagers.
Par contre, je n’ai pas trouvé le temps trop long, et l’ai passé à regarder le chargement du navire, observant l’habileté avec laquelle ces marins arrivent à ajuster toutes les marchandises, de poids et de formes divers, sans perdre de place, sans que rien ne s’abîme, et en sorte que celles qui sortent à la première escale soient les premières accessibles. Je n’ai rien perdu de tout ce travail, me promenant sur le quai, montant à bord et redescendant sur le quai, et ayant par la même occasion de longues discussions avec le capitaine et avec ses principaux collaborateurs, et aussi avec plusieurs des passagers. J’avais une petite cabine pour moi tout seul et me suis endormi peu après le départ, pour me lever vers 5 h 15 et assister à un beau lever de soleil. La mer était calme, le temps très beau avec une petite brise du nord-ouest, un temps parfait pour voyager en bateau, ce qui est en fait un moyen de locomotion très agréable. Même si c’est long, on ne s’ennuie pas sur un bateau, même si on ne fait que regarder la mer. La vie de marin a du bon, j’ai l’impression aussi que le temps ne passe pas de la même façon. Mais je crois que c’est en fait quand on voyage que le temps ne passe pas de la même façon. Peut-être est-ce parce qu’on se déplace, une relation entre l’espace et le temps.
8 octobre 1985, Faaa (Tahiti)