Joie et béatitude
Où trouver joie et béatitude dans ce monde chaotique, où rien n’est parfait ni durable, et où la douleur et la frustration succèdent inévitablement au plaisir et à la satisfaction ?
La question est mal posée. Si on les cherche dans ce monde, on ne les trouvera pas, car ce n’est pas là qu’il s’agit de les trouver. Le problème, c’est « Qui est-ce qui cherche ? »
C’est le « moi », qui s’identifie avec une personne. Celle-ci vit dans un monde extérieur qu’elle projette et qu’elle perçoit comme séparé d’elle et hostile. Comment pourrait-elle trouver une joie permanente dans un environnement dont elle se sent la victime ? Même en cherchant bien, puisque les caractéristiques du monde phénoménal sont l’inconstance et l’insatisfaction.
La joie apparaît spontanément quand la personne et ses projections névrotiques disparaissent. Lorsqu’elle cesse de prendre ses conditionnements, ses croyances et ses imaginaires pour la réalité.
L’observation minutieuse des processus physiques et mentaux permet de s’en distancer, et de les percevoir avec un détachement qui dissout les identifications. L’observateur cesse d’être impliqué comme une entité séparée dans le fonctionnement du monde extérieur, mais devient un avec l’observation et les objets observés. Il se fond dans la totalité, et le spectacle du monde devient sa propre expression : il en est en même temps le créateur et le spectateur, mais ne se prend plus pour un des acteurs.
La vision totale, illimitée et permanente qui englobe toute chose provoque un émerveillement indicible, une joie sans cause, qu’aucune perception limitée ne peut ternir. Elle est en même temps lumière éclatante, conscience profonde et lucidité infaillible.
La béatitude naît de la satisfaction de contempler la vérité au lieu de l’illusion, qui disparaît avec toutes ses turpitudes et laisse place à une clarté extatique.
24 octobre 2013, Chiang Mai